As-tu été neige






C'est la question d'une transformation ou d'un changement d'état de la matière, d'un élément, de sa densité, du milieu, de soi.

Dans as tu été neige, par le jeu de nos interprétations réciproques, une matière d'origine voyage à travers différents médiums et se transforme: du paysage, au son, aux mots, aux mouvement, au film.

Dans ce travail nous mettons en jeu ces changements d'état.

Nous souhaitons partager une écriture du mouvement et du son à travers une pratique du lieu et/ou du paysage, comprendre (cum-prendere: saisir ensemble) une forme et participer à ses mutations.
Pour cela, notre travail se base sur le développement de pratiques d'écoute et de présence, permettant l'émergence de formes particulières, plurivoques, en résonance avec ce qui les entoure.
L'atmosphère - en tant que lieu d'actualisation de relations - fait partie intégrante de notre recherche. Nous travaillons sur l'«entre» : sur le fait de créer un tissu de relations à partager avec le spectateur.

Nous cherchons ainsi à développer une écriture malléable qui tisse de possibles liens entre le mouvement, le son, les mots et les images issus de nos pratiques.


Pour le moment, trois propositions ont émergé de cette recherche :

As tu été neige " protocole " : Pendant une période de résidence, nous explorons le paysage environnant le lieu d'accueil. Dans la salle, d’un espace d’écoute réciproque et en puisant librement dans les ressources sensibles accumulées lors de nos explorations, naît une parole qui participe à la construction d’un domaine plus vaste et plus ouvert :
Nous écrivons à la craie, sur le sol, les mots qui correspondent à ce que nous percevons de l’action de l’autre (son ou mouvement) en résonance avec notre vécu du lieu et du paysage autour, ces mots servent de départ à une nouvelle action qui sera à son tour qualifiée, tracée, actée... Ainsi au fur et à mesure de la performance se dessine dans l'espace de la salle une sorte de cartographie sensible: une écriture floue qui tisse une toile de relations entre le mouvement, le son, les mots et le lieu. (vidéo)

As tu été neige "Primo Modo" : Série de courts films mettant en relation des images de paysages traversés et les mots issus de notre pratique performative. Réalisé en 2012 (vidéos)

 As tu été neige " Secondo Modo": Pour ce travail, nous avons été accueillis en résidence dans l'Avesnois (nord) sur trois saisons. Lors de chaque séjour, nous avons collecté nos impressions de différentes manières : vidéos, mots, enregistrements sonores. Après chaque résidence, s'en est suivi un travail d'écriture musicale et chorégraphique en studio : Fabrizio a à chaque fois choisi quelques films à partir desquels il a développé des thèmes ou compositions musicales. Laure s'est ensuite saisie de ces musiques pour proposer des danses sur chacune d'elles (sans connaître les films de référence).
La pièce issue de ce travail est un triptyque dans lequel il s'agit d'articuler les différents modules  issus de ce processus selon un ordre qui se ré-invente à chaque fois en prenant appui sur l'expérience présente du lieu dans laquelle se déroule la performance. Les enregistrements sonores ainsi que l'écriture des mots issus de nos pérégrinations s'intègrent aussi à la performance. (vidéos)




Historique du projet:

I. BAGATELLES

 

Le point de départ était notre envie d'articuler et d'écrire ensemble (la musique et la danse) en partant de formes “imposées” par l'individuation de titres/programmes pour chaque bagatelle. Finalement – après de longues discussions sur les questions d'émergence du mouvement et de sa relation avec la musique- nous sommes arrivés à la nécessitée de s'ouvrir vers l'espace extérieur: le simple geste d'ouvrir une fenêtre nous à catapulté dans une dimension d'écoute beaucoup plus riche et intéressante que le fait de vouloir “s'imposer” une forme a priori. C'est aussi à cette période que nous avons commencé à travailler avec des mots inclus dans nos improvisations comme outils de médiation entre le mouvement et le son.
Dans cette phase du projet la musique était encore purement électronique (synthétiseurs et échantillonneur) et se posait le problème de l'interface (et de la programmation) entre le geste et le résultat sonore.

 

II. L'L NOV-DEC 2012 : LA QUESTION DES MOTS

 

La deuxième phase de “As tu été Neige” se caractérise par un approfondissement des possibilités de l'usage des mots soit dans leur fonction de “nommer” notre perception du travail de l'autre (danse/musique) soit dans la possibilité de faire apparaître dans l'espace une “cartographie sensible” en les écrivant sur le sol. Une première partition de jeu se définit de manière assez claire et, d'une certaine façon, nous permet de travailler un paysage intérieur à notre perception. La partition consiste en un “dialogue à distance” : l'un des deux commence une action (musique ou danse), l'autre avant de commencer son action doit trouver un mot pour qualifier sa perception de ce que fait le premier, une fois qu'il a le mot, il le transforme en son ou en mouvement sur lequel le second doit mettre un mot à son tour et ainsi de suite. Les mots peuvent ou non être écrits sur le sol et cela à tout moment qui semble pertinent: je peux, par exemple, écrire le mot de la première action seulement à la fin. L'écriture sur le sol permet de créer des relations, des pistes d'interprétation que nous essayons de garder le plus ouvertes possibles, pour cela, nous limitons au maximum les relations grammaticales et n'écrivons jamais plus d'un ou deux mots à la fois.
L'instruments électronique n'étant plus approprié pour ce type de travail qui semblait aller de plus en plus vers une économie et une concentration des moyens expressifs ce fut donc la basse électrique, un instrument qui permettaient plus de mobilité sur le plateau et qui avait une réponse plus directe entre le geste et le résultat sonore.
Pendant cette période nous lisionsaussi beaucoup de poésie surtout Andre Du Bouchet, et Philippe Jaccottet, deux auteurs qui ont un rapport assez étroit avec le paysage, mais aussi Francis Ponge, Paul Celan, Milo De Angelis, Amelia Rosselli…. Nous commencions à développer une espèce de vocabulaire lié a cette saison créative et à garder des trace de nos “poèmes spatiaux” en écrivant les listes des mots issus de chaque improvisation.



 

III. LA QUESTION DU PAYSAGE. PRIMO MODO : UNE EXPERIENCE AUDIO-VISUELLE

 

Tout en continuant à creuser l'utilisation des mots en situation de performance nous cherchions dans le sud de la France un rapport plus profond avec le paysage, une façon de “dire” le paysage, aussi avec la vidéo. Puis nous avons été invités à présenter notre travail dans un festival où les conditions pour développer la forme performative n'étaient pas réunies; nous avons donc proposé aux organisateurs de développer un travail vidéo mélangeant les prises de vues sur le paysage avec les séries de mots qui provenaient de nos improvisations: ainsi naquit Primo Modo (littérairement Prèmière Manière)
Primo Modo est une esquisse, un premier essai d'écriture sur les relations entre le mouvement, le son, la parole, l'écriture, le cadrage, le support… bref entre tout ce qui a émergé dans les premières phases de recherche du projet. Les 10 courts films qui forment ce volet se composent de prises de vue que nous avons réalisé à partir de 2011 lors de nos pérégrinations dans le paysage. Ces courtes vidéos ne s'inséraient dans aucun projet en particulier, il s'agissait simplement de “notes” sur une perception, une intuition, une sorte de “résonance” entre le paysage et nous. Les 10 films qui en résultent forment en effet un parcours qui nous a permis de mettre en lumière certains éléments et outils constitutifs de notre approche du paysage, et surtout d'expérimenter -dans le médium audiovisuel- différentes relations possibles entre les images des paysages et les images des paroles.


NOTES SUR PRIMO MODO :
 
• il s'agissait de créer un espace entre les mots, le son et les images similaire à celui entre les mots, les mouvements et les sons dans la performance. C'est l'espace où des relations apparaissent.
• La basse résolution des images rend -en quelque sorte- visible le support comme dans un projet pictural.
• il n'y a pas d'effet ou de filtrages des images (sauf dans le II) mais un travail sur le cadre et la coupure de l'image.
• la place du corps dans le films est celle de celui qui filme mais aussi celle de celui qui regarde, qui se projette. La place du corps est aussi parfois dans les mots (verbes d'action). Il y a aussi la trace du travail du corps des hommes dans le paysage.
• Le problème du paysage réel est que les relations sont déjà données. Il faut travailler et creuser les différentes échelles et leurs horizon respectif.
• La place du corps qui filme... le tremblement de la présence/de la respiration dans l'image.
• Le corps du paysage, le paysage comme un organisme à une autre échelle que celle de mon corps.
• Dans une zone, une errance ou une traversée? Qu'est-ce qui motive mon déplacement dans le paysage? L'expérience des sens?
• La trace du travail du corps des hommes construit le paysage.



IV. BOUXWILLER : LA PERMÉABILITÉ DES LIEUX

 

Après l'expérience de Primo Modo notre envie fut celle de se confronter au paysage réel dans le contexte performatif, dans ce but, il nous fut accordée une résidence à Bouxwiller en Alsace, près du Parc Régional des Vosges. Dans ce lieux nous avons travaillé sur les possibilités d'instaurer des relations entre l'intérieur et l'extérieur de plusieurs façon. Avant tout avec un travail d'imprégnation sensible du paysage aux alentours de Bouxwiller, cette pratique à nourrit notre gestuelle ainsi que notre vocabulaire. Pendant cette résidence nous avons essayé pour la première fois de jouer sur l'ambiguité dans le champ sonore grâce à des prises de sons des paysages sonores du territoire mais aussi d'ambiances autour du théâtre à différentes heures du jour. Ces prises de sons étaient diffusées dans l'espace de performance à un niveau qui les mélangeaient et les confondaient avec les sons extérieurs. Ce même soucis sur la perméabilité de l'espace nous à fait travailler sur l'ouverture et la fermeture des fenêtres et des portes, sur leur occultation partielle, sur la lumière du jour et son développement. Tout ça ouvrait des nouvelles possibilités de relations avec notre partition performative.



V. SECONDO MODO : L'ÉCRITURE DU PAYSAGE

 

A cette étape du travail nous avons la sensation d'avoir bouclé un cycle, en effet l'idée de l'écriture de courtes formes modulaires présente dans les Bagatelles, revient. Sauf que le protocole d'écriture de cette forme implique tout une série de passages et de transformations assez élaboré. Cette phase à pu se réalisé grâce à une collaboration entre L'L, La Chambre D'eau et le CDC Roubaix nous avons bénéficié de trois résidences à la Chambre D'Eau dans l'Avesnois, chacune à une saison différente (automne, hiver, printemps), nous avons ainsi pu faire l'expérience de mutations du même paysage. Nos explorations se déroulaient sur une aire délimité à l'avance ni trop petite, ni trop grande afin de permettre des variations dans la continuité ; nous nous sommes fait surtout conduire par les cours d'eau : la Sambre et la Rivièrette. De chaque exploration nous avons rapporté des traces sous forme de mots (et bien sur de sensations) mais aussi de courtes vidéos et d'enregistrements sonores. Les vidéos sont devenues la source à partir de laquelle a été composée la musique, cette musique a ensuite servit de base pour composer les danses. Dans le studio enfin nous avons cherché des façons d'articuler la danse et la musique entre elles, mais aussi avec l'espace réel (dans lequel se déroule la performance) et les enregistrements du paysage sonore propres à chaque saison. Le résultat est un triptyque dont chaque partie (ou saison) est composée de modules qui peuvent s'enchaîner dans une séquence chaque fois différente.

Ce travail de recherche s'est développé en collaboration avec "L'L lieux de recherche et d'accompagnement pour la jeune création" Bruxelles.